Les progrès de la recherche
L'intelligence artificielle, un nouvel outil pour sauver des vies ?
C’est en tous cas ce que suggèrent les résultats récemment obtenus par l’équipe du Pr Anne Vincent-Salomon, cheffe du service de pathologie et du pôle de médecine diagnostique et théranostique de l’Institut Curie à Paris – et présidente du Comité Scientifique de l’association Ruban Rose. Il s’agit des toutes premières preuves cliniques tangibles à montrer qu’une intelligence artificielle pourrait être utilisée pour aider à diagnostiquer le cancer du sein.
Lorsqu'une anomalie est détectée au niveau d’un sein, un échantillon est prélevé pour être analysé au microscope : c’est l’examen anatomopathologique, le seul examen qui permet d’établir le diagnostic définitif de cancer. Il est indispensable pour faire les choix de traitement.
En effet, au cours de cet examen complexe et chronophage, les médecins anatomopathologistes analysent la présence ou l’absence de très nombreux marqueurs. Ils peuvent alors déterminer le sous-type de cancer du sein (HER2 positif, hormonodépendant ou triple négatif) et dresser une liste des forces et faiblesses tumorales.
Avec près de 59 000 nouveaux diagnostics à établir chaque année, les médecins anatomopathologistes, dont le nombre tend d’ailleurs à diminuer, doivent faire face à une demande conséquente : ceux qui exercent sont surchargés. Il leur faut travailler toujours plus vite, en subissant parfois un rythme effréné incompatible avec la pratique d’une discipline centrée sur la vie des patients. Il est donc indispensable de réagir, comme le souligne le Pr Anne Vincent-Salomon.
« C’est pour garantir à tous une prise en charge qui soit à la fois rapide et de qualité que nous avons besoin de développer des solutions pour nous assister ».
Deux ex machina : l'arrivée à point nommé de l'intelligence artificielle
Concrètement, la machine est "entrainée" à reconnaître les différents types de cancer du sein grâce à l'analyse préalable d'un nombre très important de données. Théoriquement, et parce qu’elle a déjà enregistré énormément de cas, elle est en mesure de reconnaître une tumeur mammaire sur une image de microscopie, et d’en décrire certaines caractéristiques clés pour établir un diagnostic rigoureux.
C’est pour vérifier la potentielle applicabilité de cette théorie en situation clinique que le Pr Anne Vincent-Salomon a mené une vaste étude en collaboration avec la start-up israélienne IBEX Medical Analytics. Une première phase de test a permis de montrer que l’algorithme était à-même d’établir des diagnostics exacts : il a en effet analysé avec succès la quasi-totalité des 436 cas qui lui ont été présentés.
Forts de ces constats positifs, les chercheurs ont élargi l’étude et l’intelligence artificielle a pu être utilisée quotidiennement. Elle a alors été confrontée à 5 954 cas, soit 12 031 clichés examinés. Non seulement elle a de nouveau analysé avec justesse près de 95% des images de cancer, mais elle a également permis d’améliorer la finesse du diagnostic. Ces résultats mettent en lumière le potentiel encore inexploité de l’intelligence artificielle dans le cadre d’une utilisation à des fins diagnostiques.
« Notre étude a ouvert la voie à une utilisation de l’intelligence artificielle en routine, pour assister les médecins, au bénéfice des patientes et des patients.
Les progrès à venir permettront sans aucun doute d’en améliorer encore la fiabilité, pour se rapprocher des 100% de cas identifiés, et prendre en charge la maladie aussi précocement que possible."
D’après Sandbak et al., 2022. Validation and real-world clinical application of an artificial intelligence algorithm for breast cancer detection in biopsies. Npj breast cancer.